Les grandes vertus de l’ennui…

J’ai longtemps lutté contre l’ennui. Quand j’étais enfant, j’étais accroc à la télévision. C’était le début des dessin animés japonais, il y avait des héros avec des super pouvoirs. Mon imaginaire était au taquet. C’était top!

Aujourd’hui, ce sont les jeux vidéos qui ont pris le relais. Netflix et consorts se sont taillé une belle part du gâteau…sans parler de nos réseaux sociaux. Pourtant, comme au siècle dernier, nous dédions « notre temps de cerveau disponible » – dixit Patrick Lelay, ex président de TF1 – à nous divertir et être en relation les uns avec les autres…

En revanche, maintenant, il nous faut des outils pour le faire. Des outils qui requièrent compétences spécifiques. Des nouveaux métiers se sont créés autour de ces outils (ex: Community Manager etc…). Certains les appellent les « bullshit jobs ». Quoiqu’il en soit, ils entraînent une sorte de « fuite en avant » où il devient impossible voire inacceptable de s’ennuyer. Nous évoluons dans un Monde où toute chose semble sur-adressée.

Pire, par le biais de ces outils, notre façon de nous divertir, nos centres d’intérêts sont scrutés, mesurés, analysés etc…pour dénicher de nouveaux besoins. Ce sont maintenant des business à part entière qui envahissent tout nos « temps morts ». Nous avons des applications pour tout! Pas étonnant que nous soyons fatigués! Quel est l’impact de « l’industrialisation » de nos activités de loisir sur notre qualité de vie et notre capacité à être nous-mêmes. Et si notre salut résidait dans notre capacité à nous déconnecter et à ralentir?

Et si nous en faisions trop, par croyance de n’être pas assez ?

J’avais la trentaine quand les premiers réseaux sociaux et autres applications ont vu le jour. Il y a eu Facebook et puis MySpace…MSN etc…et tout s’est enchaîné depuis. On est au milieu des années 2000. A l’époque, j’ai trouvé super de pouvoir être en connexion avec mon groupe d’amis en permanence via ces outils. C’était considéré comme très cool d’y être connecté. Je voyageais beaucoup pour mon travail, un peu partout sur le globe. C’était un moyen de garder un lien social tout en étant ailleurs, dans un autre créneau horaire. J’y voyais beaucoup d’avantages.

J’ai mis plus de temps à me rendre compte que j’y passais un temps fou et que cela me mettais une sorte de pression supplémentaire. Il me fallait absolument une connexion internet en tout lieu et tout temps pour vérifier que mes amis m’aimaient toujours!

J’ai découvert les premières applications pour faire de la méditation, du yoga ou mesurer les battements de mon cœur! Aujourd’hui, je souris en écrivant ces lignes…J’ai beaucoup de tendresse pour la personne que j’étais à ce moment-là. Perdue dans le monde digital, je flottais littéralement au dessus du sol dans une espèce de bulle avec une sensation de « no limit » qui me grisait.

Reconnecter ses pieds à la Terre…

Un jour, je me suis rendue compte que je vivais à l’envers et que la chose qui me rassurait le plus était de vivre au contact de ceux qui étaient bien ancrés dans les sujets du quotidien (les enfants notamment). Quand j’étais au contact de leur vie, je retrouvais le chemin de la réalité, l’espace d’un instant. J’ai mis fin à cette période d’absence de limite…Parce que la vie 3.0 à 100 km/h, courir après des chimères, çà fatigue beaucoup et çà ne mène à rien. Bref, pour moi, le temps était venu de passer à autre chose!

Je suis malgré tout heureuse d’avoir pu expérimenter cela. Je ne regrette pas une seconde cette expérience. C’est ce qui me permet d’écrire cet article aujourd’hui, en tant « qu’ex-addict », bien consciente que tout n’est pas si simple. Cela demande beaucoup de conscience de soi, et de courage aussi, pour lâcher les « autoroutes du système ». Et comme pour toute addiction, il y a une phase de sevrage avant de retrouver un certain équilibre.

Aujourd’hui, j’exploite ces outils pour faire entendre ma voix. J’aimerais tellement pouvoir le faire en face-à-face de manière informelle! Mais être résilient c’est aussi accepter ce qu’on ne peut pas changer et trouver un moyen de bien/mieux le vivre.

Un ralentissement inéluctable

J’ai néanmoins l’espoir que nous viendrons à un ralentissement, que nous reviendrons à l’ennui. D’abord parce que notre hyperactivité dépend exclusivement des énergies, et qu’elles sont principalement non-renouvelables. Ensuite, parce que je crois sincèrement que, mis à part ceux qui profitent amplement de ce système, tous les autres (environ 99% d’entre nous) en ont déjà touché les limites. C’est comme si nous avions déjà atteint tous les paliers du jeu vidéo, ou que nous étions bloqués pour passer au niveau suivant…

L’aventure se termine. Il ne peut en être autrement. Nous ne mettons pas tous les mêmes mots sur cet état de faits. Certains parlent d’effondrement, d’autres de fin du monde, d’autres encore (majoritaires) de fin de mois, de fin des « acquis ». Dans tous les cas, il semble que le mot « fin » flotte dans l’air ces derniers temps. L’illusion du bonheur est en train de se déliter. Notre jeu vidéo actuel perd de son intérêt. Très bientôt, il nous en faudra un autre.

Trouver de nouvelles histoires!

Des récits nouveaux commencent à émerger. Des gens comme Cyril Dion avec son film « Demain », Rob Hopkins – et sa méthode pour une transition douce vers un monde sans pétrole – Vandana Shiva ou Pablo Servigne sont les têtes de ponts de ces nouveaux imaginaires. Tous ont pris le temps d’imaginer un autre monde. Des collectifs comme celui du JTerre, On est prêts ou encore le Relève et la Peste – et leur dernier livre/bd « Vivant » – font un grand travail de pédagogie et d’inspiration pour nourrir le plus grand nombre à propos de nouvelles alternatives. Peu à peu nos croyances se familiarisent avec ces nouvelles idées.

Mais d’où proviennent ces récits? Comment ceux qui les proposent ont pu mettre la main sur ces idées? Après tout, ils sont comme nous tous ces gens. C’est quoi la différence alors? Et bien, outre leur créativité, je crois que la différence réside dans leur capacité à prendre le temps de s’écouter et d’explorer leurs envies profondes. Si tu as lu mes précédents articles, tu sais que celles là viennent directement du cœur…

On pourrait dire que la différence réside aussi dans leur capacité à dire NON à ce qui est proposé actuellement. Après tout, si quelque chose ne convient plus, rien n’empêche de trouver des alternatives. Il nous reste cette liberté! Et s’il n’y a pas d’alternatives satisfaisantes, rien ne nous empêche de les créer. Mais pour cela il faut prendre le temps.

Les « Slow trucs »…sont déjà dans les bacs, à quand la « slow life »?

Maintenant, c’est facile de comprendre pourquoi notre système actuel n’a aucun intérêt à ce que nous ralentissions. Ce serait, pour ceux qui en sont à l’origine, la fin de la tranquillité! Avoir des gens qui sont suffisamment disponibles à eux-mêmes et créatifs pour se dire que leurs vies ne leurs conviennent plus et qu’ils veulent autre chose, quelle horreur! Ce système a intérêt à ce que nous soyons persuadé de n’être jamais assez. Il est primordial que nous croyions à la nécessité d’en faire toujours plus. Sinon, comment intégrer tous les nouveaux outils proposés dans nos vies? Comment continuer à nous vendre du rêve? Comment sécuriser les business plans?

La chose qui m’alarme plus encore c’est que des gens ont déjà identifié cette tendance du ralentissement…et font déjà la promotion des « slow trucs », genre slow food, slow fashion, etc…avec les mêmes outils marketing que les autres. Au final, cette autre proposition de consommation vient alourdir l’ensemble, alors même que les valeurs de départ sont louables. Après tout à quoi sert d’acheter du « slow food » s’il est englouti aussi vite qu’un Mac Do pour pouvoir retourner à l’heure au bureau, hein?

Peut-être que le meilleur « slow food » c’est prendre le temps de rentrer chez toi, si tu le peux, pour manger à midi. Et sinon, peut-être que c’est préparer ton repas avec des aliments frais et de qualité, prendre le temps de le manger en conscience, puis lire quelques pages d’un bon bouquin, de préférence à l’extérieur de ton lieu de travail. La tendance « slow » devrait peut-être s’appliquer d’abord à notre façon de vivre, non? A quand un genre de « slow life »…où nous prendrions le temps de nous ennuyer?

Notre corps a besoin de s’ennuyer pour mieux nous soutenir!

La raison des bienfaits de ralentir et de s’ennuyer? C’est que notre corps en a besoin pour intégrer l’expérience et trouver ses propres solutions. Aller puiser dans ses ressources les informations utiles pour faire évoluer nos sujets. Si nous le sollicitons sans cesse avec de nouveaux stimulis, quelle énergie lui reste-t-il pour traiter les dossiers?

Essayons de faire un parallèle avec nous dans le cadre professionnel…Si ton boss te sollicite toutes les 4 secondes, très rapidement, tu ne sais plus où donner de la tête. Tu n’as pas assez de la journée pour tout faire, alors tu emportes un partie de ton travail avec toi le soir, voire la nuit. Ton corps ne se repose plus correctement, ce qui a un impact direct sur la quantité de choses qu’il gère. Car, contrairement à nous, notre corps sait bien gérer ses priorités. A l’extrême, il préfère assurer les fonctions vitales de base au détriment de l’attention, la concentration et la créativité.

T’est-il déjà arrivé de te lever un matin avec un mot, une idée, une chanson , bref, un truc qui n’était pas là la veille? Moi, çà m’arrive régulièrement. Et comme « par hasard » ces nouveautés contiennent des inspirations qui débloquent les problèmes. C’est le fameux « mais oui, c’est bien sur! ». D’après mon expérience, l’explication c’est : soit le repos que tu as pris a permis à ton corps de finir le traitement du dossier et d’y trouver une solution, soit ton guide t’a susurré une réponse à l’oreille pendant ton sommeil!

Eh oui, il font cela aussi les guides. Ils exploitent le peu de temps de « cerveau calme et disponible » qu’il nous reste pour faire avancer nos sujets. Peut-être qu’ils pourraient le faire en journée également si nous pouvions trouver le moyen de ralentir suffisamment, qui sait?

Les vrais petits miracles de l’ennui

C’est en faisant une sieste sous un arbre que Newton a découvert la loi de la gravitation, ou loi d’attraction universelle. Sans parler de génie, qui d’entre nous n’a pas débloqué certaines réflexions en allant simplement faire un tour, se détendre? Nos meilleures inspirations viennent souvent de l’observation de ce qui est avec un esprit disponible. Et cela, tout le monde a la capacité de le faire. Contrairement à ce que la société souhaite nous faire croire, créer autre chose, n’est pas réservé à une élite. Chacun peut le faire pour soi-même, dans son domaine d’expertise, dans son périmètre de vie.

Le temps de l’Univers et celui des hommes est très différent. Tout est beaucoup plus lent dans l’espace quantique. Et en même temps des choses extra-ordinaires s’y produisent à chaque seconde. Nos cellules mettent environ 3 semaines à intégrer de nouveaux paramètres. Prenons cette mesure comme étalon pour comprendre à quel point notre mode de vie actuel est un non-sens pour notre corps, donc pour l’Univers qu’il contient!

J’ai appris récemment que la méditation vise à se familiariser avec le fonctionnement de son esprit. C’est-à-dire, être observateur de tout ce qui se déroule en nous, entre un événement donné et la mise en route de notre juge intérieur. C’est dans cet espace que réside le bonheur d’exister. Ce temps est très court et, par manque de disponibilité, nous n’en profitons pas. Quel dommage! Car c’est la clé de ce Monde plus grand dont nous rêvons. C’est l’art de vivre l’équivalent d’une semaine en quelques heures, l’équivalent d’un mois en quelques jours…Encore faut-il prendre le temps de ralentir et s’ennuyer suffisamment pour être à notre propre écoute!

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